samedi 4 octobre 2008

"Là où je vais je suis déjà" : Printemps de Septembre 2008

Déçus de ne pas avoir pu l'an dernier profiter de ce festival qui est toujours pour nous un moment privilégié, nous nous sommes organisés cette année pour visiter un maximum de lieux, ce qui est une gageure puisqu'il y en a cette année davantage que d'habitude...

Way out - IMGP3482

Nous avons commencé dès le vendredi de l'ouverture du festival, par les Abattoirs.

Même si elle est très critiquée par Le Monde ("Noir est le Septembre des arts actuels à Toulouse"), j'ai trouvée l'installation de John M Armleder intéressante. J'aime bien les décors qu'il a peints dans les salles du rez de chaussée, et cette idée de rassembler dans les mêmes salles des pièces issues du Musée des Augustins, des Abattoirs, et du Museum d'histoire naturelle.

Triceratops - IMGP3439

Je ne trouve pas que l'accrochage les rende "invisibles". Tout au plus, je trouve ça étrange de revoir un grand nombre d'oeuvres que je connais déjà "re-contextualisées". Et je reconnais que si j'aime intellectuellement l'idée de cet assemblage inhabituel, il ne m'a pas procuré plus d'émotion que ça...
In fine, si je devais retenir une oeuvre, ce serait sans doute les grosses bulles transparentes qui flottent au fond du grand hall, et dégoulinent dans la salle du Minotaure. Je crois qu'elles sont d'Alain Bublex... Et j'ai détesté la sculpture sonore qui hurle au sous-sol, à rendre fou le gardien qui tourne en rond devant la salle en essayant de se boucher les oreilles.

Dans notre balade du dimanche, c'est la mise en scène réalisée par Claude Lévêque à la Maison Éclusière qui me laisse l'impression la plus forte. L'oeuvre s'intitule "Rendez-vous d'Automne", titre de la chanson de Françoise Hardy ici chantée par la chorale d'une maison de retraite, et diffusée dans le bus prêté par les transports Faur. Nous sommes dans le hangar à bateaux, plongé dans la pénombre, décoré de panneaux de signalisation pendus tête en bas, et dont les symboles ont disparu... ça sent l'humus et la pourriture. Dans un angle, les 4 miroirs ronds empruntés eux aussi à la signalisation routière ne renvoient qu'une sombre image, et semblent nous dire que notre vie est déjà dans le rétroviseur. A l'étage de la maison, le sol continue d'être couvert de débris de bois, feuilles et terre en décomposition. Les fenêtres sont comme murées par des matelas maintenus par des bardeaux de bois cloués aux murs. Des réverbères dispensent une chiche lumière, tandis que les hauts-parleurs diffusent un concert de chuchotements incompréhensibles, à peine audibles et pourtant étourdissants. Dans le petit patio, d'habitude si riant, une série de chaises vides, des chaises d'école en bois et tubes d'acier, ensinistre l'atmosphère... Je sors de là avec une boule d'angoisse au ventre. Mort, folie, temps heureux à jamais révolus, vieillesse sans espoir, maboul et perdue : sinistre perspective. Redoutablement efficace.

Les soucoupes volantes de Sylvie Fleury, échouées, plantées dans le sable sur le bord de la Garonne au Port Viguerie semblent du coup bien inoffensives après ça...

Au Bazacle, les vidéos de Lida Abdul, native de Kaboul, parlent de guerre. C'est logique. Mais ça ne me plaît pas, même si certaines images sont assez belles, et en tous cas frappantes, spécifiques...

Jeudi après-midi, nous avons repris notre périple.

A l'Espace Ecureuil, les artistes ne sont pas non plus très optimistes. Je n'aime rien, sauf le montage photo de Marion Tampon-Lajarriette , qui évoque Manderley, la maison où se déroule Rebecca de Daphné du Maurier, que j'ai lu il y a longtemps. Mais ce dont je me souviens cadre assez bien avec les images proposées par l'artiste, et le montage est original.
Je ne sais pas de qui est cette vidéo ridicule qui montre un homme nu avec des baskets rouges, qui saute sur des tables de jardin encombrées de cannettes de bière vides, et encerclées par une guirlande lumineuse. Il a une blessure rouge sur la fesse droite. On croit que c'est parce-ce qu'il s'est cassé la gueule en sautant ainsi de table en table, mais il n'en est rien : pas la peine de regarder toute la vidéo en espérant un gag de chute, il n'y en a point. Un spectateur se lève en levant les yeux au ciel, lâchant "ah ben si ça c'est de l'art, alors, tout le monde peut en faire". Hum, cette petite phrase vaut souvent au quidam le regard consterné et/ou condescendant des intellectuels "qui s'y connaissent en art". J'en déduis que je n'y connais rien, mais je pense comme le quidam.
Ah si, il y avait aussi ces deux vidéos en noir et blanc qui semblent comme montées au ralenti. Deux portraits de femmes, qui ont plutôt l'air de s'emmerder, il faut bien le dire, mais... avec un certain chic. Je ne me souviens plus du nom de l'artiste.

A l'Ecole des Beaux-Arts, ouf, on respire un peu. Les photos et vidéo d'Islande d'Eric Hattan sont reposantes, zen, blanches, quasiment immobiles. La roue d'un avion de tourisme cahote longuement sur une piste avant que brusquement l'engin s'envole au dessus de paysages étranges, graphiques et embrumés. Une stalactite goutte interminablement au premier plan d'un paysage de neige. Sur une vitre, le givre qui descend du toit forme une dentelle éphémère, continuellement recomposée. On pourrait rester là longtemps, comme lorsqu'enfant on rêvassait le nez collé à la fenêtre des jeudis d'hiver...

Mais le plus beau est à entendre, c'est l'oeuvre de Janet Cardiff aux Jacobins. Le lieu est bien choisi pour y faire jouer un Motet, chanté par 40 voix enregistrées individuellement, et qui nous sont rendues par autant de petites enceintes juchées sur des pieds noirs. C'est beau, ça remplit l'espace et le coeur. On peut s'asseoir au milieu pour écouter la polyphonie, ou bien marcher lentement le long des enceintes pour écouter chacune des voix plus en détail. Les gens ont envie de rester. Moi aussi. Et cette année, je retraverse la salle pour sortir par le cloître, dont la beauté ne me lasse pas, même si c'est l'une des images touristiques de la ville les plus éculées...

PS : les photos viendront plus tard, elles sont encore dans la boîte de Dino, qui doit les trier et les publier pour que je choissise celles qui illustreront mon souvenir de visite...

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